L’ancien Camp Val-Estrie à Waterville s’apprête à accueillir, dès le 1er janvier 2026, ses premiers résidents depuis 2016. Cette fois-ci, il ne s’agira pas de campeurs, mais de personnes souhaitant y vivre à l’année.

Acquis en 2018 par Bouffard & Cie., le bâtiment n’était initialement pas destiné à être restauré ni transformé en logements pour la communauté. Les propriétaires s’intéressaient principalement aux 160 hectares (400 acres) de terres agricoles et de forêt entourant la propriété de l’ancien Camp Val-Estrie – un choix naturel pour une famille exploitant déjà d’importantes entreprises agricoles.

Au fil du temps, le terrain a été subdivisé. Le bâtiment patrimonial principal et son annexe, un duplex, ont été conservés sur un lot de 2 hectares (5 acres), tandis que le reste du terrain a été intégré aux activités agricoles de Bouffard & Cie. Alors que le projet initial prévoyait la revente du bâtiment une fois le lot redivisé, ces 5 acres et leurs bâtiments sont finalement devenus le terrain de jeu d’un projet pluriannuel : vingt-deux logements, allant du 3½ au 5½, qui accueilleront leurs premiers locataires le 1er janvier 2026, sous le nom de Domaine Val-Estrie. M. Jean-Sébastien Bouffard, gestionnaire du Domaine Val-Estrie:

Le Camp Val-Estrie de Waterville était un camp de vacances bien connu, accueillant chaque été des centaines de jeunes dans ses dortoirs, ses installations sportives et ses espaces extérieurs. Il a cessé ses activités en 2016 après des décennies d’exploitation, principalement en raison de difficultés financières et opérationnelles, qui rendaient sa poursuite trop coûteuse. La baisse de fréquentation et l’entretien d’un bâtiment vieillissant ont également contribué à sa fermeture.

L’étincelle de la restauration

C’est Jean-Sébastien Bouffard et son épouse Justine Cloutier qui ont nourri le désir ardent de sauver et de restaurer l’édifice. Au final, ils seront sept associés sur le projet : les 5 associés de Bouffard & Cie, auxquels se joignent Sylvie Bouffard et son mari, Vincent Guillemette. Jean-Sébastien assumera le rôle de gestionnaire du Domaine Val-Estrie, tandis que Justine sera responsable de la gestion de la location. Même si le projet semblait prometteur en apparence selon l’équipe, la motivation initiale du couple gestionnaire a été mise à rude épreuve par les longs délais d’obtention des permis de rénovation.

Après trois séances du conseil municipal étalées sur trois mois, un avis public et de longues procédures administratives, l’équipe a finalement obtenu les autorisations nécessaires pour entamer la première phase des travaux, plusieurs mois après avoir soumis sa demande initiale à la ville de Waterville. Le couple à la tête du projet souligne le soutien de leur architecte de Sherbrooke, spécialiste en restauration de bâtiments patrimoniaux, dont l’expertise a permis de faire avancer le projet. Mme Cloutier insiste sur l’importance de ce partenariat pour respecter en toute conformité le bâtiment patrimonial.

Justine Cloutier, responsable de la gestion de la location et Jean-Sébastien Bouffard, gestionnaire du Domaine Val-Estrie

 

L’une des tâches les plus exigeantes a consisté à se conformer aux exigences d’un PPCMOI (Projet Particulier de construction, de modification ou d’occupation d’un immeuble), un outil réglementaire utilisé au Québec pour autoriser des projets qui dérogent à la réglementation d’urbanisme local (comme le zonage), sans avoir à modifier les règles générales. Les propriétaires ont consacré de nombreuses heures à sa préparation. Heureusement, le père de Justine, Vincent Cloutier, consultant et chargé de cours à l’École de gestion Williams de l’Université Bishop’s ainsi qu’à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, a pu leur prêter main forte, grâce à son expérience dans ce type de projet. Il a également contribué à organiser la toute première rencontre entre l’architecte et le couple à un moment où l’ampleur des rénovations semblait insurmontable.

La phase de démolition

Les travaux de démolition ont représenté près du quart de la charge de travail de l’entrepreneur général, Construction Stymack de Compton. L’ancien camp était rempli d’équipement : appareils de cuisine, matériel de sport, costumes, et matériel scolaire.

La plupart des objets récupérables l’ont été. De nombreux articles ont été réutilisés par des écoles de la région, dont l’École des Enfants-de-la-Terre de Waterville, tandis que d’autres ont été remis à la Ressourcerie de Coaticook et à Estrie Aide de Sherbrooke. Certains matériaux ont également été vendus en ligne. Certaines zones du bâtiment, notamment le sous-sol et la cuisine industrielle, nécessitent encore d’être déblayées.

« On dirait même plus le même bâtiment ! », a plaisanté Yan Tremblay propriétaire de Construction Stymack, en faisant référence aux innombrables heures passées à enlever les vieilles portes et à élargir les couloirs étroits, surtout au troisième étage. Le couple a également ri en évoquant les « fameuses portes », se rappelant l’énorme travail que leur démontage avait nécessité.

À l’origine, les étages comportaient de nombreux dortoirs, chacun avec sa propre sa de bain et salle de douche. Cela a nécessité la dépose et le déplacement d’une quantité considérable de tuyauterie, ainsi que la démolition de nombreuses cloisons séparant les chambres, les salles de bains et les couloirs.

Le plus grand défi a concerné la plomberie du sous-sol. Ce qui devait être une simple modification s’est transformé en un remplacement complet du système d’égouts et des eaux usées — une tâche que les propriétaires ont préféré reporter avant leurs vacances, conscients de l’ampleur des travaux. Rien que cette section a nécessité une dizaine d’hommes pendant une semaine complète.

Un investissement de plusieurs millions de dollars

Cuisine d’un appartement 5 1/2 au troisième étage

Les associés du projet ont investi plusieurs millions de dollars dans la restauration de l’édifice, sans toutefois divulguer le montant exact.

Chaque appartement a dû être conçu individuellement, la forme irrégulière du bâtiment patrimonial ayant nécessité des plans de cuisine, d’électricité et de plomberie sur mesure pour chaque logement.

Des éléments de maçonnerie d’origine ont été conservés et mis en valeur à l’intérieur, tandis que l’ancienne cheminée, désormais hors service, sert de conduit pour les câbles électriques. Chaque appartement est muni d’une thermopompe individuelle avec son propre compteur électrique. Un système de gicleurs a été installé dans tout l’immeuble, conformément à la réglementation en vigueur pour les immeubles résidentiels de plus de trois étages.

La toiture a dû être refaite. Toutes les fenêtres ont été remplacées, fabriquées sur mesure pour s’harmoniser avec l’architecture du bâtiment, notamment les pointes triangulaires caractéristiques du troisième étage. Les fenêtres du deuxième étage, d’une hauteur de 7 pieds, étaient difficiles à trouver sur le marché conventionnel avec un système à guillotine ; elles ont également dû être commandées sur mesure. Heureusement, la structure principale était solide, avec une maçonnerie en briques de bonne qualité qui n’a nécessité que des réparations mineures.

Les associés de Bouffard & Cie ont tenté au mieux possible d’encourager des entreprises d’ici pour effectuer les travaux, tel que le contracteur principal du chantier Construction Stymack de Compton, Tuyauteur JDP inc. à Compton, JPL Entrepreneur Électricien à Magog et Espace Vital Architecture à Sherbrooke. M. Bouffard parle des nombreuses heures passées sur le chantier par les différents corps de métier :

Des prix justifiés

Malgré les critiques de certains concernant le prix des loyers, les propriétaires insistent sur le fait que ce coût est justifié, étant au même prix que des constructions neuves dans les environs. « Le prix ne reflète même pas l’ampleur des travaux de restauration », affirme Mme Cloutier: reconstruction des sols en béton, réparation de la structure, préservation des éléments architecturaux d’origine et mise en conformité avec les normes de sécurité modernes, et bien plus. « Ici, ce sont des dalles de 6 à 8 pouces de béton qui séparent un étage de l’autre, et les murs entre les appartements sont insonorisés. Rien que cela, c’est une tranquillité qu’on ne trouve pas dans les blocs à logements actuels », explique Jean-Sébastien.

« Si les gens voyaient tout ce que nous avons dû refaire, et s’ils voyaient la grandeur et la qualité des appartements, ils comprendraient », ont déclaré les propriétaires. Les propriétaires se disent confiants d’avoir une offre différente de celles qui se trouvent sur le marché actuel.

Aire commune d’un appartement 4 1/2

Pour un 3 1/2, les propriétaires demandent entre 925$ et 1050$ (laveuse-sécheuse inclus), les 4 1/2 sont entre 1300$ et 1500$ et les 5 1/2 sont à partir de 1650$.

Une étude de marché pour positionner les prix a été effectuée par Alexandra Goulet et Sokhna Ndiaye, tous deux étudiantes en marketing de l’Université Bishop’s, dans le cadre de l’édition 2025 du Programme de stages Desjardins Estrie-Preneur.

Préserver un bâtiment chargé d’histoire

Pour la famille Bouffard, profondément enracinée dans la région, l’objectif n’était pas seulement de créer des logements, mais aussi de redonner vie à un bâtiment local important, chargé d’histoire et de caractère. « Je préfère redonner vie à un bâtiment qui a une âme plutôt que de le démolir et de tout recommencer », a déclaré Jean-Sébastien Bouffard. Mme Cloutier suivie de M. Bouffard :

Le couple a récupéré de nombreuses boîtes de photos et d’archives du Camp Val-Estrie ainsi que des usages précédents du bâtiment. Il prévoit de conserver ces archives dans son bureau, car il souhaite que l’histoire préservée demeure avec le bâtiment.

Espaces extérieurs et piscines

Les espaces extérieurs, incluant un ancien terrain de soccer et un gazebo, seront accessibles aux locataires. L’aménagement paysager ainsi que les stationnements asphaltés seront complétés dès l’été 2026. Pour l’instant, une cour de gravier accueillera les locataires dès le 1er janvier. Les piscines existantes, dont une pataugeoire, pourraient également être restaurées dès l’été 2026 afin d’offrir un service supplémentaire aux résidents.

Le Domaine Val-Estrie dans la dernière phase de ses rénovations

Au terme de plusieurs années d’efforts et d’investissements majeurs, l’ancien Camp Val-Estrie amorce une nouvelle vie en se transformant en projet résidentiel durable. Les propriétaires estiment offrir des logements de qualité tout en préservant un bâtiment chargé d’histoire. Dès janvier 2026, les premiers résidents pourront enfin s’installer dans un lieu rénové, repensé et tourné vers l’avenir.